07 Oct 🏝️🎵 Passion vinyle à Nouméa : la belle histoire du Page & Groove Café
🏝️ Si vous aviez un vinyle à emporter sur une île déserte, vous iriez le chercher chez Gaël ! Installé depuis 2014 à Nouméa, il a ouvert ‘Page & Groove Café’, un concept store mélangeant habilement boissons, livres et vinyles. Rencontre avec un gérant enthousiaste, mais aussi avec un passionné de musique qui porte les Hanson dans le cœur et qui fait vivre le vinyle en Nouvelle-Calédonie.
MONSIEUR VINYL : Bonjour Gaël !
GAËL : Bonjour Monsieur Vinyl !
M.V. : Est-ce que tu peux un petit peu présenter ?
G : Je suis Gaël, j’habite en Nouvelle-Calédonie, et je suis gérant d’un magasin à Nouméa situé dans le quartier Sainte-Marie, le ‘Page & Groove Café’. C’est un lieu un peu atypique : à la fois café, libraire, et disquaire. Je l’ai ouvert le 7 décembre 2024, et je m’apprête à fêter la première année d’existence du lieu le 7 Décembre prochain.
M.V. : Comment le vinyle est-il entré dans ta vie ?
G : Complètement par hasard ! Il y a une dizaine d’années, je regardais une série américaine mettant en scène des avocats. L’un d’eux avait une collection de vinyles jazz, soul et blues dans son bureau, et je trouvais l’objet fascinant. J’aimais déjà la musique, mais là, je me suis dit : “Cet objet est magnifique, je veux le même chez moi.” J’ai donc commencé à chercher sur Internet les albums que j’aimais pour voir s’ils existaient en vinyle. Ma femme partait en France peu après, alors je lui ai dit : “Je commande une platine, quelques disques, et tu me ramènes tout ça.” C’est parti de là. Aujourd’hui j’ai une pièce entière dédiée à ma collection. C’est devenu une vraie passion, que je n’ai plus jamais arrêtée.
M.V. : Qu’est-ce qui t’a donné envie de transformer cette passion en métier ?
G : L’idée d’ouvrir un disquaire à Nouméa me paraissait risqué : ici, le marché est petit, et je doutais que le vinyle puisse vraiment trouver son public. Le déclic est venu quand ma voisine, qui tenait une bouquinerie, a décidé de quitter le territoire. L’idée de reprendre son commerce en y ajoutant du vinyle et un café a germé… même si le rachat ne s’est finalement pas fait. Alors je me suis lancé de zéro : le 1er septembre 2024, j’ai décidé de créer mon propre concept. Trois mois plus tard, le 7 décembre 2024, j’ouvrais officiellement les portes du magasin.
M.V. : Tu évoques ton attachement au groupe Hanson. Pourquoi ce groupe t’a-t-il marqué
G : Je suis né en 1988, donc j’avais une dizaine d’années quand Hanson a explosé avec « MMMBop ». J’étais fasciné par ces trois frères musiciens. Leurs chansons, leur énergie, tout me plaisait. C’était mon premier vrai coup de cœur musical. J’avais les posters, les photos,… Et puis, des années plus tard, j’ai eu une rencontre inattendue : en 2012, à l’aéroport de Londres, j’ai croisé les trois frères Hanson par hasard. Je me suis liquéfié ! Ma femme m’a encouragé à aller leur parler, et j’ai pu échanger quelques mots avec l’un deux. Je garde avec moi un exemplaire de « Middle Of Nowhere, The Greatest Hits » de Hanson, trouvé à San Francisco. C’est une belle pièce, une triple compilation, avec des vinyles orange transparents, qui collent d’ailleurs aux teintes du magasin !
M.V. : Et ton tout premier vinyle, tu t’en souviens ?
G : Oui, très bien ! Lors de ma première commande, j’avais pris deux disques : le « Dangerous » de Michael Jackson et « Nightmare » d’Avenged Sevenfold, un groupe de Heavy Metal californien. Mais le tout premier vinyle que j’ai eu entre les mains, c’est le « American Idiot » de Green Day. J’étais tellement impatient que je suis allé à Nouméa, dans un magasin qui s’appelait ‘Compact Megastore’, et je l’ai acheté sur place. C’est là que tout a vraiment commencé.
M.V. : À l’ère du streaming, pourquoi le vinyle continue-t-il de séduire selon toi ?
G : Je pense qu’il y a plusieurs raisons. D’abord, le vinyle, c’est un objet. Il a une présence, un côté artistique avec ses grandes pochettes, ses visuels travaillés. Dans une époque où tout est dématérialisé, les jeunes ont envie de posséder quelque chose de tangible, de créer leur propre collection. Ensuite, il y a le son. Beaucoup ont des a priori sur le son du vinyle, mais quand je leur fais écouter en boutique, ils sont surpris par la chaleur et la profondeur du rendu. Et puis il y a la nostalgie : les plus âgés retrouvent les disques de leur jeunesse, pendant que les nouvelles générations découvrent ce plaisir. Le streaming ne remplace pas tout ça. Pour moi, le vinyle n’est pas un effet de mode.
M.V. : Est-ce que tu penses que le support vinyle est un effet de mode ? Quelle ta vision en tant que commerçant et passionné ?
G : Je reste convaincu et persuadé que c’est vraiment parti pour durer dans le temps. Le vinyle sera le seul support physique pour la musique qui va perdurer. Pour moi, ça me semble évident, au vu de l’objet, et tout ce qu’il peut évoquer.
M.V. : Comment se porte le marché du vinyle à Nouméa aujourd’hui ?
G : Le marché local suit la dynamique française, mais avec quelques années de décalage. Quand j’ai ouvert, je pensais qu’il faudrait du temps pour que ça prenne, et finalement, le public a tout de suite répondu présent. On a ici beaucoup de métropolitains, mais aussi des Calédoniens et même des Mélanésiens qui s’y intéressent. Je dirais qu’on a simplement trois ou quatre ans de retard sur la France, mais la tendance est là : le vinyle plaît, et de plus en plus de jeunes s’équipent.
M.V. : Est-ce facile de collectionner des vinyles en Nouvelle-Calédonie ?
G : Pas vraiment ! Il existait un petit disquaire associatif, Black Evil Records, mais il a fermé. Aujourd’hui, il y a mon magasin, ainsi que deux boutiques de vêtements qui ont un petit corner de vinyles neufs. C’est très limité. Les collectionneurs de l’île sont souvent obligés de voyager (Australie, Japon, Nouvelle-Zélande) ou de commander à l’étranger, mais les frais de port et taxes locales rendent tout ça coûteux.
M.V. : Quels sont les disques les plus demandés et quel est ton public ?
G : Les grands classiques restent indétrônables : « Thriller » de Michael Jackson et « The Dark Side Of The Moon » de Pink Floyd sont ceux que je vends le plus. Dès qu’ils rentrent en stock, ils repartent vite. Ma clientèle principale se situe entre 35 et 45 ans, mais je vois de plus en plus de jeunes pousser la porte du ‘Page & Groove Café’. Un jeune âgé de 13 ans est même resté trois quarts d’heure à écouter « Thriller » au casque ! C’est ce genre de moments qui me font dire que le vinyle touche toutes les générations.
M.V. : Importer du vinyle à 20 000 km de la France, ça ressemble à quoi ?
G : C’est compliqué ! J’ai choisi de faire venir mes vinyles par avion plutôt que par bateau, parce que la chaleur sur les quais peut abîmer les disques. Mais forcément, le coût grimpe. Les taxes locales sont importantes aussi. Résultat : un vinyle neuf vendu en France 30 € arrive ici à 50 € en moyenne. Pour le seconde main, je reste sur des tarifs plus cohérents, entre 25 et 30 €. Tout est calculé pour que ça reste viable, mais on ne peut pas rivaliser avec les prix du continent. D’où l’importance de proposer de la seconde main de qualité.
M.V. : Tu évoques souvent les pressages japonais et australiens. C’est une particularité locale ?
G : Oui, totalement ! En Nouvelle-Calédonie, on trouve régulièrement des pressages venus du Japon, d’Australie ou de Nouvelle-Zélande. C’est lié aux échanges historiques et aux voyages des habitants dans le Pacifique. Pour un collectionneur français, c’est exotique, mais ici, c’est assez courant. Ces vinyles sont souvent en très bon état et réputés pour leur qualité de pressage. C’est un petit trésor pour les passionnés. En revanche, côté production locale, il n’y a jamais eu d’usine de pressage ici. Quelques artistes, comme Michel Bénébig ou Maeva Jillson, sortent leurs albums en CD, mais le vinyle reste un rêve coûteux pour eux.
M.V. : Tu vends aussi des platines ?
G : J’aimerais bien, mais c’est compliqué. La place manque, et surtout, le prix d’importation rendrait la vente impossible : une platine achetée 200 € aux États-Unis reviendrait à 500 € ici. Pour l’instant, je me concentre sur le vinyle, mais il m’arrive de proposer quelques platines d’occasion, que je teste avant de les mettre en vente.
M.V. : Une anecdote récente pour conclure ?
G : Oui, une belle histoire : il y a peu, j’ai trouvé un Michael Jackson, « HIStory », en pressage européen d’origine de 1995, en superbe état. C’est un disque que je cherchais depuis des années. Je l’ai mis en rayon en me disant : “Si personne ne le prend en cinq jours, je le garde.” Il est parti… en moins de 24 heures !
M.V. : Et tes projets ?
G : Pour la suite, je prépare un événement spécial pour les 1 an du magasin, en décembre : arrivage massif, promos, ambiance conviviale et, je l’espère, une soirée avec un petit verre pour fêter ça.





