27 Mar Moi, audiophile ? (billet d’humeur)
À travers mon activité sur YouTube, il arrive régulièrement que vous me sollicitiez pour recueillir mon avis sur le monde audiophile, à savoir les terres de la Hi-Fi, des enceintes ou encore des platines. Pour moi, ce sont des sujets allant au-delà même du support vinyle en tant que tel. J’ai donc décidé de vous écrire un billet d’humeur afin de vous apporter ma position de collectionneur à ce niveau, mais aussi mon point de vue en tant que passionné de musique.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il me paraît important de situer mon parcours. Voilà plus de trente ans que je collectionne le support vinyle. Plus de trente ans que je les sors de leur pochette, les joue, puis les rentre à nouveau dans leur pochette avec la satisfaction d’avoir vécu quelque chose d’émotionnellement fort. Je ne calcule plus le nombre de fois où j’ai arpenté les bacs en foire aux disques, les vide-greniers, ou encore les bacs des disquaires.
J’attrape le virus de la musique à l’âge de cinq ans. D’abord, j’improvise. Puis, je compose mes propres morceaux, mes propres albums, sans aucune base de solfège. J’apprends à mixer mon travail, à donner de l’ampleur au son. J’écris des paroles, d’abord pour les autres puis pour moi, tout en apprenant à utiliser ma voix. J’interprète alors mes chansons. Je rejoins un groupe. J’effectue des concerts, des premières parties, un peu partout dans ma région. J’enregistre voix et musique en studio, avant de passer par la case radio et par l’écriture des chroniques pour une émission que je me plais à animer chaque semaine sur la FM. Ce même exercice d’écriture qui m’amène à créer et faire exister mon propre magazine musical durant cinq belles années, interviewant plusieurs artistes au passage, et recevant chaque semaine dans ma boîte aux lettres de multiples CD venus de tous horizons de la part de nouveaux talents ou de semi-professionnels. Et, durant tout ce temps, je continue à cultiver ma collection de vinyles.
De part ce parcours, je considère que l’expérience est le meilleur des professeurs. Je ne compte plus le nombre de morceaux que j’ai pu entendre dans ma vie. Ce chemin de vie m’aide, encore aujourd’hui, à apporter de nombreuses réponses à ceux qui – comme moi – se révèlent suffisamment curieux. Cela me permet aussi de faire découvrir la face cachée d’un monde qui, quoi qu’il advienne, aura su m’appeler suffisamment tôt pour que je puisse en saisir l’essence. J’ai fini par comprendre que ma place se trouvait dans la retransmission d’un savoir longuement acquis.
Par exemple, beaucoup pensent toujours que la Techno est uniquement un genre musical. Mais, en réalité, c’est un sous-genre appartenant au monde de l’Electro, tout comme la musique baroque appartient au genre Classique. On y peut rien, la musique a des codes, des classifications, que bon nombre d’artistes, génération après génération, tentent de bousculer. Pourtant, depuis que je voyage aux côtés de la musique, aucun nouveau genre musical ne m’est apparu ; seuls de nouveaux sous-genres ont fait leur apparition.
Ainsi, j’ai compris que la musique est une vaste science, constituée de ses propres genres ; il y a, entre autres, ceux férus d’électronique qui créent des instruments de musique novateurs, ou bien les collectionneurs de concerts, constamment à la recherche de moments exaltants à vivre et à partager. Il y a ceux qui expérimentent en studio, composent, déstructurent pour structurer, et qui – par belle modestie – refusent souvent le titre d’ « artistes ».
Et puis il y a nous, collectionneurs de supports, avides d’analogie, de cassettes, CD, Mini-Discs, VHS, Laserdiscs,… ou de vinyles. En guise de sous-genre à notre domaine de prédilection, il y a les chimistes qui recherchent depuis longtemps la solution heureuse pour faire briller leurs vinyles, ou encore celui ou celle qui se pose souvent la question si son rangement est idéal. N’oublions pas non plus le chasseur de dédicaces qui ressent une forme d’accomplissement personnel lorsque la pochette de son vinyle préféré est signé par la main même de l’artiste. Dans le fond, je suis un peu tout ça.
D’ailleurs, notre parcours de collectionneurs de vinyles est loin d’être nouveau. En France – et dans le monde – nous sommes incroyablement nombreux à être touchés par ce « Syndrôme de la 33Tourette », comme le souligne si bien mon confrère Chasseur de Vinyles. Chacun a sa définition, son univers, sa vision, sa façon de dénicher la prochaine galette qu’il fera tourner sur sa platine. En somme, c’est une discipline, un sport. Certains sont plus compétitifs, d’autres plus discrets et patients. « (…) Des acharnés demeurent dans chaque spécialité (…) » résumait K-Mel dans Alliance Ethnik (« Respect »). C’est très vrai. D’autant plus vrai que, lorsque l’on est un passionné incarné de musique, il devient possible de comprendre, s’exprimer, partager et surtout « faire ressentir » tout ça bien au-delà des mots. N’est-ce pas là finalement toute l’essence même de la musique et le fondement principal des artistes ?
Il réside pourtant un ultime sous-genre, celui qui fait vibrer les plus fervents serviteurs du son : le monde audiophile. Un monde que je comprends. Toutefois, il me paraît toujours important de rappeler que la musique n’a pas forcément besoin d’un matériel ‘high-tech’ pour être appréciée. Il existe énormément de solutions, pas forcément onéreuses, permettant une meilleure retranscription sonore. Et ce n’est pas ce qui manque sur le marché. La preuve sur un site comme maPlatine.com que je mets très souvent en avant sur ma chaîne YouTube.
Bien sûr, grâce à ces systèmes, le son est magnifique, puissant, chatoyant,… mais il me paraît bien vite artificiel, impersonnel, devenant trop rapidement une science à part, créée pour atteindre une forme de ‘perfection sonore’. Ajouter des accessoires à sa platine, changer les câbles, filtrer le courant secteur (entre autres) me paraît s’apparenter à une forme de ‘tuning’. Ces machines sont belles, souvent lustrées et impressionnantes, mais sommes-nous encore dans la science de la musique ? Ou est-ce la science de la reproduction sonore et ses diverses techniques ?
Vous le savez, j’aime l’authenticité, ce qui n’est pas forcément parfait. Et pour le vinyle, je conçois analogiquement les choses sous le même angle. Ma ‘science du son’ est celle de la galette qui fait ‘clic !’ puis ‘pop !’. Symboliquement, c’est le même plaisir que le son du feu qui crépite ou d’une marmite bouillonnante. Quel délice ! D’ailleurs, j’en suis revenu du CD que j’ai expérimenté durant une longue période ; le son est très net, très propre… mais c’est trop net ! Il me faut des défauts, il me faut de la saturation, des moments d’analogies qui rappellent à quel point rien ne peut être parfait.
Par définition, je n’ai pas le souhait de me diriger aujourd’hui vers une platine sur mesure. Je préfère mille fois collectionner le support, acheter le vinyle d’un album que j’apprécie au plus haut point et vibrer avec celui-ci. La platine reste, bien entendu, le principal vecteur permettant une retranscription sonore de nos chères galettes ; tout le monde a la sienne, sa préférée, accouplée d’une installation sonore plus ou moins développée. L’essentiel, c’est de ressentir la musique. Tant qu’une installation sonore ne devient pas justificative à ce ressenti, alors il me semble qu’on est dans le juste ; car si l’on commence à ‘construire’ son propre ressenti, alors on tombe dans une ‘réalité artificielle’ qui me semble totalement éloignée du côté émotionnel. Et c’est là où je ne peux plus être d’accord.
En expérimentant ces systèmes, certains me disent : « le chanteur était dans la pièce juste devant moi ! » … Aïe, vais-je répondre… Si l’on veut de la réalité, alors mieux vaut se rendre physiquement en concert pour écouter les artistes que l’on aime, en compagnie d’autres personnes bien réelles. Sur scène, le son émanera avant tout de l’action d’un être humain à l’instant ‘I’ qui, de surcroît, ne reproduira jamais cette action deux fois de la même manière. Et puis ça laisse des souvenirs, c’est mille fois meilleur ! Oui, la technique aide. L’émotion, elle par contre, ne ment pas. Selon moi, cette notion humaniste est importante, même si cela rentre en ambivalence avec la collection d’un support vinyle qui est loin d’être un support immatériel. Mais surtout pas impersonnel.
Ma philosophie réside dans la tolérance, le respect et la bienveillance. Il est important de considérer que tout est une question de sensibilité, que quelqu’un ne pourra pas toujours concevoir les choses sous le même angle que vous. L’Histoire de la Musique a même souvent démontré que les désaccords étaient sources de création(s), tant que l’égo ne rentrait pas dans la danse (je ne vise aucunement Roger Waters, encore que…).
Je le répète, la musique est une vaste science. Chacun peut y trouver son plaisir. Toutefois, à mes yeux, un principe reste important : ne jamais oublier que nous sommes des êtres faits d’émotions. Annihiler l’émotion qui est en nous, c’est déjà un peu tutoyer la mort.
Voilà pourquoi le Vinyle c’est la Vie.