
07 Avr VINYL HAUL #27 – Special France 🇫🇷💥 mes achats du 1er Trimestre 2025
✳️💥 Bienvenue dans le 27e numéro du VINYL HAUL, et place aux jeunes artistes de la scène française ! Voici 6 albums en vinyle qui sont arrivés récemment dans ma collection ; saurez-vous trouver l’intrus qui a su rester jeune malgré son âge ? Réponse en vidéo.
Last Train
« III »
2025 / PIAS / FRANCE / LTP003
La France n’est pas le berceau du rock, et rares sont les groupes français qui arrivent à atteindre leur album rock mature. Last Train a réussi à peaufiner un album comme j’aimerais en entendre plus souvent dans l’hexagone ; à la fois singulier, innovant, créatif, impactant, persuasif et percutant.
Il faut dire que nos quatre jeunes alsaciens préparaient depuis longtemps cette ascension vers les cimes du Rock, tant leur énergie sur scène comme en studio étant perceptible par le plus commun des mortels. Depuis leur EP « Fragile » publié en 2016, j’étais persuadé que ces jeunes-là allaient un jour créer la différence. S’ils l’ont prouvé à peine un an après avec « Weathering », la période de « The Big Picture » m’a fait descendre d’un étage, et la peur me gagnait que le groupe puisse commencer à s’éteindre et se fondre dans le paysage. D’autant plus que la collaboration avec l’Orchestre symphonique de Mulhouse en 2024 sur « Original Motion Picture Soundtrack » manquait — selon moi — de saveur, d’ambition et de divin.
Heureusement, l’année 2025 s’ouvre en beauté pour le quatuor avec un troisième album épatant, sobrement baptisé « III », et qui sera rapidement reconnu par le public comme un opus diablement réussi. Toute l’essence de Last Train s’y trouve, incluant deux climax importants que sont « Revenge » et « I Hate You ». Et je me prends déjà à rêver à une version symphonique d’un tel album…
Le tout a été masterisé par Mickaël Rangeard (Iggy Pop, -M-, et le « Black Orpheus » de Keziah Jones), et co-produit, enregistré et mixé aux côtés de Rémi Gettliffe (qui suit le quatuor depuis leurs débuts).
Youssoupha
« Amour Suprême »
2025 / Believe / FRANCE / BLV8721
Voilà quelques années que je m’étais écarté du travail de Youssoupha, non pas par désintérêt pour le formidable lyriciste bantou qu’il est, mais tout simplement à cause d’une utilisation de l’Auto-Tune trop intensive sur ses albums précédents (« Polaroïd Experience » en 2018 ou encore « Neptune Terminus » en 2021).
Avec « Amour Suprême », Youssoupha revient aux sources, et signe un septième album brut, mature et métissé, mais aussi intime et sincère, à poser fièrement aux côtés de deux de ses plus beaux albums passés que sont l’indétrônable « Noir Désir » et le formidable « NGRTD ».
Cherchant continuellement à faire rencontrer les cultures, tant artistiquement que littéralement, ce nouvel album est une réussite sur tous les plans. Il s’adresse magnifiquement à sa fille dans « Dieu est Grande », reste humble dans « Faire Mieux », se veut introspectif dans « Grands Boubous des Ancêtres », politique dans « Prose Combat », reconnaissant dans « God Bless », mais aussi spirituel et philosophe dans le morceau qui vient conclure magnifiquement l’opus : « Prier Sans Crainte ».
On le sait, dans le monde du rap français, Youssoupha est définitivement passé maître de la punchline, à l’instar de celle-ci : « dites à ces messieurs qu’c’est bien prétentieux d’apprendre la vie à celles qui la donnent », ou encore : « le chemin de Dieu est simple, mais c’est les religieux qui le compliquent ».
Enregistré entre Dakar, Bruxelles, Abidjan, Montréal, mais aussi au sein du studio provençal Miraval, l’album a été produit par de multiples jeunes talents qui ont choisi de délivrer des instrumentales pensées et construites à mille lieues des boîtes à rythmes répétitives et autres mélodies algorithmiques. Ici, la musique ethnique rencontre les sons d’aujourd’hui, et chaque morceau apparaît avec un univers réfléchi et adapté.
Et le talent ne s’arrête pas à son contenu, puisque la pochette elle-même est une œuvre d’art conçue par l’artiste camerounais Maxime Manga (Mboa Art).
Cet album, c’est pour les lumineuses et les lumineux, à qui il souhaite l’amour suprême ; un message de la plus haute importance dans un monde de plus en plus individualiste.
Santa
« Recommence-Moi »
2024 / Parlophone / FRANCE / 5054197444258
À l’image de Adé qui s’est lancée en solo après l’aventure Thérapie Taxi, c’est désormais la chanteuse du groupe Hyphen Hyphen qui joue la fille de l’air. Il faut dire que le sel de ce groupe français hautement énergique tenait beaucoup de l’aura de la belle blonde. Sur leurs trois albums solos, je retiens « HH » publié en 2018, suffisamment Pop Electro pour me plaire.
Fort de son expérience, la niçoise trentenaire Samanta Cotta est désormais davantage populaire sous son pseudo Santa. Mais pas seulement. En 2024, elle publie son premier album solo, « Recommence-Moi », dont le contenu parlera autant aux plus nostalgiques des eighties et des nineties comme à la nouvelle génération adepte de chanson française. « Recommence-Moi » est un doux bonbon de quarante minutes qui conjugue avec talent la musique d’hier à celle d’aujourd’hui.
Car, oui, Santa ne tombe pas totalement dans la facilité de la variété et flirterait même plutôt avec cette fameuse chanson française, faisant naturellement revivre l’univers de ses pairs, à l’instar de Michel Berger, Véronique Sanson, et même Michel Polnareff. Voilà qui peut en décontenancer plus d’un ! Mais c’est aussi ça le côté hybride de la musique actuelle.
Pour cet album, Santa souhaite se rapprocher le plus possible d’une référence qui aura marqué au fer rouge la scène francophone : « D’Eux » de Céline Dion. Souhait exaucé puisque la belle enregistra au studio Hauts de Gamme dans les Hauts-de-Seine, soit le même studio que la Canadienne avant elle.
« Recommence-Moi » est fabriqué d’intelligence émotionnelle, et vient bousculer ci-et-là nos habitudes d’écoute en termes de chanson française, avec comme épicentre la qualité parolière et de composition. Je retiens l’incroyable « La Différence », mais aussi le duo avec Christophe Willem sur « Les Larmes Ne Coulent Pas », « Paradis » — que Michel Berger aurait pu écrire — mais aussi le très beau finish à la Danny Elfman, époque « Edward aux Mains d’Argent ».
Terrenoire
« Protégé.e »
2025 / Black Paradiso / FRANCE / 00602476469711
Encore un bel album pour Terrenoire. Après « Les Forces Contraires (La Mort et la Lumière) » — dont je vous avais parlé dans le ‘Vinyl Haul’ #22 — voici « Protégé.e » qui débarque à point nommé dans une société aussi rapide que divisée.
Le duo stéphanois sacré révélation masculine aux Victoires de la Musique 2022 — et dont la créativité semble infinie et de plus en plus mature — vient apporter une touche de sensibilité à un monde en urgence. Les frères Herrerias (Raphaël et Théo) incluent même pour la première fois dans leur travail une touche vocale féminine sur le morceau central « Hotline Gorgone », qui fait office ici de langage central à un album lumineux, mais aussi un peu plus loin dans la tracklist dans « Le Jour où Tout s’est Ouvert ». Mais ne vous y méprenez pas… car la chanteuse en question est en réalité Théo, dont la voix a été pitchée et rapidifiée à 6 %, ouvrant ainsi la possibilité de représenter un être hybride au sein de l’album.
« Protégé.e » est un opus universel, inclusif, hybride, poétique et touchant, créé avec soin, et un sens de l’écriture qui autorise les mots à devenir sons. À date, c’est certainement l’album le plus intimiste de la discographie de Terrenoire. Il est doté d’une plus grande proximité humaine que « Les Forces Contraires (La Mort et la Lumière) » et donc, inévitablement, plus familier.
Parmi les titres à retenir sur ce second album, on peut citer le single « Vivre Sobrement » dont la thématique principale (l’alcool et ses addictions) est merveilleusement écrite. Il y a aussi « Paris, La Grande Ville » qui vient traduire le temps qui file si vite dans nos vies, et qui dans le même temps vient dépeindre Paname dans ses moindres travers. L’album contient également une virgule orchestrale magnifique avec le titre « Protégé.e », puis nous fait réfléchir aux limites du corps et de la vie avec « Un Chien sur Le Port » (traitant du lourd sujet du cancer), sans oublier d’évoquer la perte de certains repères sociétaux dans « Le Bon Sens ». Il y a tant de vie dans cet album que vous y trouverez forcément un morceau qui répondra à votre âme.
Jean-Michel Jarre
« Versailles 400 »
2024 / Columbia / FRANCE / 19802838731
Jean-Michel Jarre s’est rendu dans tellement de lieux différents durant sa carrière qu’il était impensable qu’il ne fasse pas un jour halte à l’intérieur même du singulier Château de Versailles ; bien sûr, ce n’est pas la première fois qu’on le voit donner un concert sur les traces du Roi Soleil, puisqu’il s’était déjà produit à Versailles en septembre 1993 suite à la publication de l’excellent album « Chronologie », s’inscrivant alors dans le cadre d’une tournée baptisée ‘Europe en Concert’.
Depuis cette époque, Jarre a fait du chemin, et a notamment publié la série « Electronica » (divisée en deux volumes respectivement publiés en 2015 et 2016) qui — à mon sens — a redéfini sa façon d’interpréter sur scène les morceaux de sa discographie. Jarre sonne actuel parce qu’il a su collaborer avec la jeunesse (Sébastien Tellier, Rone, M83,…) tout en continuant à s’appuyer sur ses racines aux côtés des plus anciens (John Carpenter, Jeff Mills,…).
« Versailles 400 » n’est autre que la photographie d’un instant partagé entre Jarre et son public au sein de la Galerie des Glaces, alors que le célèbre château versaillais fête en grande pompe ses 400 ans. C’est aussi un instant où le virtuel rencontre le réel, dans lequel passé, présent et futur ne font qu’un, une partie des spectateurs étant dotée de casques de réalité mixte durant le concert pour rentrer dans une tout autre matrice (l’artiste avait déjà proposé le même concept lors du concert donné à Notre-Dame en 2021).
Bien sûr, la publication audio de « Versailles 400 » demeure moins impressionnante que la captation vidéo du concert, car — on le sait — les shows de JMJ mettent le visuel au centre de l’expérience. Néanmoins, on peut réentendre les versions améliorées de « Equinoxe » et autres « Oxygène » parmi un flot de titres plus récents comme « The Architect », « Falling Down », ou encore la très réussie « Stardust », écrite aux côtés du producteur hollandais Armin Van Buuren.
La publication double vinyle, quant à elle, est limitée à 2000 exemplaires et se veut surtout immersive, avec à l’intérieur la présence d’une sticker NFC donnant accès à tout un flot de bonus liés à l’événement. À noter qu’un 45 tours exclusif lié à « Versailles 400 » a été proposé dans la 120e édition du magazine britannique ‘Electronic Sound’ sur lequel on retrouve « Epica Oxygene » en face A et « Equinoxe 7 » en face B.
Miki
« Graou »
2025 / CNM / FRANCE / BLV8836
Mais qui est cet OVNI ? Une artiste hors-sol et décalée, en phase avec sa génération, débarque sur nos platines avec un premier EP fabriqué main, brut de pomme, inscrite dans un esprit DIY.
En 2024, lorsqu’apparaît, à l’été 2024, le clip de la chanson « Échec et Mat » — tourné à l’arrière d’un Buffalo Grill — la France découvre une jeune fille de 25 ans à peine, au caractère fort et au cœur hybride. Elle se prénomme Miki, une anti-Angèle par excellence, qui se veut plus trash, plus sarcastique que sa consœur venue de Belgique.
Un premier EP de 20 minutes, singulièrement baptisé « Graou » — dont la pochette du vinyle a été signée au gros marqueur noir — ne tarde pas arriver dans les bacs au moins de mars 2025. Un EP totalement relâché, réalisé avec les moyens du bord, et qui se veut le plus impulsif possible. Miki en fait d’ailleurs une marque de fabrique, tant ses morceaux respirent la spontanéité, la ‘flexitude’ de l’instant. Elle n’a pas une voix transcendantale, et ne cherche pas non plus la performance ; ici, c’est plutôt le ressenti global qui prend le pas sur tout le reste, et fait la différence. Et, finalement, c’est peut-être là que Miki est la plus intéressante.
D’ailleurs, l’hybridité de Miki se traduit jusqu’à ses racines, elle qui est née d’une mère coréenne et d’un père français, et qui grandit entre le Luxembourg et la cité des Anges (Nice), connaît bien le sujet. Après avoir composé quelques bandes originales de courts métrages dans le cadre de ses études en cinéma, elle entreprend un voyage de 6 mois en Corée qui va lui donner de l’inspiration musicale.
Ainsi, il faudra à peine quatre années à la belle pour peaufiner ce qui constituera l’essence même de ‘Graou’, et ainsi mettre sur pieds 7 morceaux, dont la très pop « Cartoon Sex », l’expérimentale « JTM Encore » ou la synth-pop « Motherlode ».
Dans la recette, Miki ajoute des accents asiatiques à son interprétation (« Miki Cowboy »), jusqu’à même venir injecter des paroles en coréen dans « Scorpion Ascendant Scorpion », ou encore dans la délicate et spatiale « Héroïne » qui vient conclure le voyage. Vous l’aurez compris, cette fille n’est pas comme les autres, et il faudra faire avec ; en attendant, moi je suis graou de son « Graou » !